ANNEXE B LISIER DE PORC
La tourbe au secours des odeurs
Isabelle Paradis
Il est bien connu que le lisier de porc ne dégage pas le plus délicat des parfuns ! En fait, ses subtiles odeurs ont plutôt attisé de nombreuses querelles entre voisins, ainsi qu'entre agriculteurs et fonctionnaire de l'Environnement. Que faire pour appaiser toutes ces narines outragées ?
Chez André Morier , producteur de porcs à St-Damase, on a misé sur la mousse de tourbe. Le principe est simple et rapporte sur deux plans. D'abord, la mousse de tourbe appliquée à la surface de la fosse permet d'absorber une partie des odeurs nauséabondes en empêchant certaines formes d'azote de se dégager. Parallèlement, le mélange de lisier obtenu offre une plus grande valeur fertilisante, en partie parce qu'il a conservé davantage d'azote organique. D'après les résultats obtenus jusqu'à maintenant, une fosse traitée fournirait quatre à cinq fois plus d ' azote qu'une fosse non traitée, ce qui représenterait un gain net de l' ordre de 3 500 $ par fosse.
M. Morier s'est inspiré d'une expérience dont il avait été témoin au cours d'un voyage à l'université de Chipagan, au Nouveau-Brunswick. Au retour, il a parlé de son idée aux agronomes du bureau de . St-Hyacinthe et, de fil en aiguille, on a sollicité l'aide de chercheurs au collège Macdonald pour mettre sur pied, à sa ferme, un projet de recherche.
De l'azote plus stable et plus rentable
L'expérience en est à sa deuxième année. Selon Suzelle Barrington, ingénieur et professeur au coIlège Macdonald, la meilleure valeur fertilisante du lisier traité avec de la tourbe est due notamment à la quantité d'azote conservée et au fait que l'azote qu'il contient est sous forme organique et qu'il est plus rentable que l'azote contenu dans une fosse non traitée.
En appliquant huit pouces de tourbe, les dépenses s'élèvent environ à I 600 $ pour la tourbe, 750 $ pour l'application sur la fosse à l'aide d'un souffleur et 50 $ pour le brassage. Une fosse de I 600 m3 permet ainsi de récupérer 5 440 kilos d'azote.
Un dispositif électronique, attaché à un mât de seize pieds placé en bordure des fosses et relié à un micro-ordinateur, permet de relever les dégagements des gaz qui s'échappent des fosses. De la fosse non traitée, on a recueilli des relevés allant jusqu'à 250 parties par million de gaz, alors que la fosse traitée, les chiffres n'ont pas dépassé 45 parties par million. Le procédé semble donc être efficace pour la réduction des odeurs. .
On s'attend toutefois à des résultats moins éloquents cette année. En effet, une partie de la tourbe s'est affaissée. On croit que les fortes précipitations du printemps et les vents pourraient être en partie responsables de ce «pépin». Selon Denis Potvin, de Tourbières Premier à Rivière-du- Loup- (l'entreprise qui a fourni la tourbe pour le projet et mène certaines recherches à ce sujet) on tente actuellement d'évaluer divers aspects qui permettraient d'augmenter l'efficacité de la technique.
Ainsi, par exemple, on pourrait arriver à déterminer quelle épaisseur convient mieux à un type de tourbe en particulier . Pour cette expérience, on a utilisé de la mousse de sphaigne. Cette tourbe est plus abondante dans les régions nordiques et s'accumule au rythme de 100 cm pàr I 000 ans. Son pH acide, sa grande capacité à absorber l'eau et à fixer les minéraux en feraient un produit particulièrement efficace pour neutraliser les odeurs du lisier et augmenter sa teneur en matière organique.
D'autres solutions? La mousse de tourbe ne serait cependant pas le seul matériel de recouvrement envisagé à cette fin. Ainsi, certaines expérience menées ailleurs auraient utilisé, entre autres, des aérateurs de lisiers, des écail- les d'orge, de la paille séchée, ou des grilles de plastique. Certains auraient même tenté de construire un toit au-dessus de la fosse, mais les coûts énormes associés à cette solution la rendent peu attrayante.
Pour André Morier, cette expérience a été très concluante. Il se dit convaincu de l'efficacité du procédé et y voit un excellent moyen de valoriser son lisier .